Un changement d’affectation, alors même qu’il aurait été pris en considération de la personne pour tenir compte de son état de santé, peut constituer une mesure d’ordre intérieur

CAA de NANCY, 3ème chambre, 19/10/2021, n° 20NC01104; CAA de LYON, 7ème chambre, 14/10/2021, n° 19LY02882

Le 15 décembre 2021

Dans le cadre d’un contentieux relatif à un changement d’affectation d’une fonctionnaire hospitalière qui avait été décidé en considération de son état de santé et de son aptitude à occuper son emploi, la Cour administrative d’appel de Nancy a jugé, dans un arrêt n° 20NC01104 du 19 octobre 2021, que :

« […] le changement d’affectation contesté, alors même qu’il a été pris en considération de la personne de l’intéressée pour tenir compte de son état de santé, présente le caractère d’une mesure d’ordre intérieur, qui ne fait pas grief et n’est, en conséquence, pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir » (CAA de NANCY, 3ème chambre, 19 octobre 2021, n° 20NC01104).

Le Conseil d’Etat avait déjà jugé dans un arrêt du 25 septembre 2015 n° 372624 qu’un changement d’affectation décidé en considération de la personne « pour des motifs tenant au comportement » peut néanmoins présenter le caractère d’une mesure d’ordre intérieur, qui ne fait pas grief et n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (Conseil d’État, 25 septembre 2015, n° 372624, publié au recueil).

En effet, les notions de « mesure d’ordre intérieur » et de « décision prise en considération de la personne » ne doivent pas prêter à confusion.

La première concerne la recevabilité du recours et le refus d’accès au prétoire pour des décisions de faible importance.

La seconde est afférente au bienfondé de la requête et, s’agissant des fonctionnaires, concerne notamment le contrôle du droit d’obtenir la communication préalable de son dossier personnel.  

Cette différence de champ d’application explique que le juge, lorsqu’il examine la recevabilité du recours contre un changement d’affectation, écarte les motifs tirés de la considération de la personne pour se concentrer « exclusivement sur la gravité des effets » de la décision sur la situation du requérant (voir en ce sens conclusions de M. Gilles PELLISSIER, rapporteur public sous Conseil d’Etat, 25 septembre 2015, n° 372624).

Dans ce cadre, il est classiquement jugé que :

« les mesures prises à l’égard d’agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours ; qu’il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou à l’exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n’emportent perte de responsabilités ou de rémunération ; que le recours contre de telles mesures, à moins qu’elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable » (Conseil d’État, 25 septembre 2015, n° 372624, précité; solution réaffirmée encore très récemment par le Conseil d’État dans un arrêt du 10 décembre 2021, n° 440458).

C’est ce considérant de principe que reprend la CAA de Nancy dans son arrêt du 19 octobre 2021 pour juger que, quand bien même le changement d’affectation a été décidé « en considération de la personne de l’intéressée pour tenir compte de son état de santé », il n’en demeure pas moins que ses effets limités, au cas d’espèce, le cantonnent à une simple mesure d’ordre intérieure.

Il faut préciser en effet que le changement d’affectation en question n’entraînait dans cette affaire « ni diminution de ses responsabilités, ni atteinte à ses perspectives de carrière, ni enfin, ainsi qu’il ressort des bulletins de paie versés au dossier, perte de rémunération ».

Par ailleurs, on relèvera également que, quasiment à la même date, la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé dans le même sens que le changement d’affectation d’une fonctionnaire pour des motifs tenant à son état de santé constitue une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours, quand bien même la nouvelle affectation avait été décidée sur un poste dont l’aménagement n’était pas encore définitivement arrêté. La Cour relève, là encore, que le changement d’affectation en cause n’entraînait aucune incidence sur la rémunération et la carrière de la requérante (CAA de LYON, 14 octobre 2021, n° 19LY02882).

Les changements d’affectation qui ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives du fonctionnaire, ni n’emportent de perte de responsabilités ou de rémunération, demeurent donc en dehors de la sphère contentieuse, peu important les considérations liées à l’état de santé qui en seraient à l’origine.

On peut se demander si la portée de ces décisions n’implique pas, plus largement, un « recadrage » des contestations qu’un requérant est recevable à soulever lorsqu’il attaque un changement d’affectation. En effet, si la question est de porter le litige sur le terrain d’un nouvel examen de son état de santé, le recours apparaît comme étant mal dirigé. Et pour cause, les contestations afférentes à l’état de santé du fonctionnaire nous semblent devoir prioritairement être formées devant les instances médicales compétentes ou, le cas échéant, contre les décisions individuelles tirant spécifiquement les conséquences statutaires d’un état de santé donné (congé maladie, reclassement, décisions sur l’aptitude physique, etc.). A l’inverse, ces contestations n’ont pas nécessairement lieu d’être à l’occasion d’un recours contre un changement d’affectation qui ne fait que tirer les conséquences, en termes d’organisation du service, de l’aptitude physique du fonctionnaire qui a souvent déjà été tranchée au préalable.

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