LE CABINET SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIÉS OBTIENT L’INDEMNISATION DE LA COMMUNE ET DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DANS L’AFFAIRE LOCHWILLER

Le Tribunal judiciaire de Saverne a rendu son jugement concernant les responsabilités après l'apparition d'importantes fissures dans le sol et les habitation à LOCHWILLER

1. Les faits

Les faits sont connus du grand public mais méritent d’être rappelés : suite à la création, en 2006, d’un nouveau lotissement sur la colline du KOEHLBERG à LOCHWILLER, les époux K., acquéreurs d’une parcelle, ont souhaité équiper leur maison d’habitation d’une pompe à chaleur géothermique.

Ils ont missionné la société IDEN-OTEC, laquelle a sous-traité l’exécution d’un forage géothermique à la société BOHRBETRIEB MULLER, société de droit allemand. Les travaux de forage se sont déroulés en février 2008.

Dès le mois de mars, un voisin dont la maison d’habitation est située en contrebas de celle des époux K. a constaté des infiltrations d’eau sur sa propriété. Des travaux de colmatage ont alors été entrepris par la société BOHRBETRIEB MULLER puis par la société SIKA SCHWEIZ, mais les infiltrations ont perduré et le voisin a, en outre, commencé à relever des fissures sur sa propriété en 2010.

Puis, dès 2012, un grand nombre de maisons d’habitation, situées en contrebas du forage, se retrouvent affectées de fissures et de phénomènes d’affaissement.

La voirie et les canalisations d’eau ont également été affectées, causant un préjudice à la commune de LOCHWILLER et à la communauté de communes.

La suite est ancrée dans les mémoires : l’expert judiciaire mandé par le tribunal a pu déterminer que la cause des désordres provenait d’un gonflement généralisé de la colline, provoqué par des anhydrites, une espèce minérale présente dans le sous-sol de la colline et qui gonfle au contact de l’eau. Il a relevé une venue d’eau accidentelle, entrée au contact des anhydrites, au niveau du forage géothermique commandé par les époux K.

La commune et la communauté de communes, entre autres requérants, ont alors saisi le Tribunal de grande instance de SAVERNE aux fins d’obtenir leur indemnisation.

Le 17 décembre 2021, le Tribunal judiciaire a rendu plusieurs décisions très attendues, dans les procédures introduites par les différents requérants.

2. Le fait générateur et les responsabilités

Le juge a commencé par rappeler que, contrairement à ce que soutenaient certains défendeurs, le fait générateur du dommage est bien le forage géothermique, quand bien même l’épicentre des déformations affectant la colline se situait à 60 mètres de celui-ci.

Il considère ensuite que le fait générateur du sinistre est imputable à la société IDEN OTEC et à son sous-traitant, la société BOHRBETRIEB MULLER, retenant pour cela les fautes commises par ces dernières dans l’exécution du forage, au premier rang desquelles l’absence totale de déclaration administrative du forage, en violation des dispositions du code minier.

En effet, les forages de plus de 100 mètres de profondeurs étaient soumis à une demande d’autorisation préalable, et les forages inférieurs à 100 mètres de profondeur à une déclaration préalable.

En l’espèce, bien que le forage réalisé par la société BOHRBETRIEB MULLER ait atteint une profondeur de 140 mètres, aucune demande d’autorisation, ni aucune déclaration préalable n’avaient été déposées.

La demande d’autorisation préalable, obligatoire en l’espèce, aurait pourtant, si elle avait été régularisée, permis aux autorités administratives d’interdire ou d’encadrer ce forage, notamment au regard de la coupe géologique des lieux concernés.

Le Tribunal relève encore que la coupe géologique, si elle avait été faite correctement, aurait dû révéler la présence d’anhydrite, et entrainer, soit l’abandon du projet, soit a minima une prudence accrue des intervenants.

Le Tribunal rejette également l’argument de la force majeure soulevé par les défendeurs, considérant que l’évènement n’est ni extérieur aux parties, ni imprévisible, ni irrésistible. Cette appréciation confirme la sévérité avec laquelle le juge analyse la force majeure, compte tenu de l’ampleur et de la gravité du phénomène qui pouvait, à première vue seulement, remplir les conditions du cas de force majeure.

Les fautes commises par IDEN OTEC et son sous-traitant sont donc de nature à engager leur responsabilité, et ces sociétés sont condamnées, in solidum avec leurs assureurs, à indemniser les victimes, notamment la commune et la communauté de commune.

Le Tribunal exonère les époux K., estimant que, ces derniers ayant pris le soin de confier les travaux à des professionnels, ils ne peuvent être regardés comme responsables du sinistre.

La société SIKA SCHWEIZ est elle aussi exonérée, le Tribunal considérant qu’elle n’a pas commis de faute et qu’elle peut en tout état de cause se prévaloir de l’application de la théorie de la force majeure.

3. La garantie des assureurs

De façon plus pragmatique, le jugement tranche aussi la question des garanties des assureurs respectifs des sociétés IDEN OTEC et BOHRBETRIEB MULLER. Cette question était cruciale compte tenu de l’ampleur du sinistre, la commune et la communauté de commune n’étant pas, loin de là, les seuls requérants à rechercher la responsabilité des intervenants dans cette affaire.

Le Tribunal accueille favorablement le moyen, soulevé par AXA VERSICHERUNG, assureur de la société BOHRBETRIEB MULLER, tiré de l’existence d’un plafond de garantie fixé contractuellement à 1 000 000,00 € par sinistre. Il considère en revanche que la Cie AXA, assureur de la société IDEN OTEC, ne peut faire valoir qu’un plafond de garantie par victime.

Ainsi, si le plafond de la Cie AXA VERSICHERUNG, qui s’analyse par sinistre, c’est-à-dire, pour toutes les procédures résultant du sinistre LOCHWILLER, sera rapidement atteint, le plafond de la Cie AXA doit s’analyser par victime, de sorte que chaque requérant se verra opposer un plafond distinct, qui n’épuisera pas ceux des autres victimes.

Cette position, évidemment défavorable à l’assureur de la société IDEN OTEC, a l’avantage de garantir une indemnisation complète de la commune et de la communauté de communes, le plafond par victime n’étant pas, en l’espèce, atteint.

Compte tenu des enjeux, un appel est certainement à prévoir, mais cette décision, assortie de l’exécution provisoire, constitue une première victoire pour les victimes du sinistre LOCHWILLER.

Vous trouverez le jugement ci-dessous :

Le 15 février 2022

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