[PERMIS DE CONSTRUIRE – RÉGULARISATION] Est-ce qu’un vice affectant l’intégration paysagère d’une construction porte sur une « partie identifiable » du projet ?

Dans un avis du 2 octobre 2020, le Conseil d’État a précisé les modalités de mise en œuvre de l’article L 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Ces dispositions permettent au juge administratif de surseoir à statuer pour permettre au pétitionnaire d’obtenir une autorisation de régularisation.

Pour l’application de ces dispositions, le Conseil d’État a considéré qu’une autorisation d’urbanisme pouvait être régularisée sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, même si l’autorisation de régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, tant qu’elle n’en bouleverse pas sa nature même.

Cet avis, qui revient sur la jurisprudence de principe en la matière, étend substantiellement le champ de la régularisation possible tant pour la mise en œuvre de l’article L 600-5-1 du code de l’urbanisme qu’en cas d’annulation partielle sur le fondement de l’article L. 600-5.

Dans ce dernier cas, on rappellera qu’en outre, le juge a pu préciser que seuls les vices portant sur une part identifiable du projet sont susceptibles de régularisation (CE 1er octobre 2015, Cne de Toulouse, no 374338).

Toutefois, cette condition semble elle aussi faire l’objet d’une interprétation de plus en plus large.

  • Dans une décision récente, le Tribunal administratif de Grenoble a prononcé une annulation partielle sur le fondement de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme en tant que le projet méconnaissait l’article UOC 2.3 relatif à l’intégration paysagère (TA Grenoble, 23 mars 2021, n°1908897)

Le tribunal avait considéré, en substance, que les constructions projetées étaient trop hautes, trop massives et trop répétitives.

Pour autant, il avait considéré qu’une régularisation était possible dès lors que les modifications à apporter au projet n’étaient pas susceptibles d’en bouleverser la nature même et portaient sur une partie identifiable du projet.

Autrement dit, le Tribunal administratif de Grenoble semble considérer que le parti architectural constitue une partie identifiable du projet auquel il peut être régulièrement apporter des modifications substantielles dans le cadre d’un permis de régularisation sans pour autant que ces modifications ne bouleversent la nature même du projet.

  • Cette solution fait écho a une décision récente du Conseil d’État qui a jugé :

«  Après avoir retenu que le projet en litige, qui prévoyait une implantation à trois mètres de la limite séparative, soit à une distance inférieure à la hauteur du bâtiment, n’était pas conforme aux dispositions l’article Ua 7.1 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune de Saint-Brévin-les-Pins, la cour administrative d’appel de Nantes s’est fondée, pour refuser de faire application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme précités, sur la circonstance que la régularisation affecterait la conception générale du projet et serait, en outre, de nature influer sur sa perception visuelle et son insertion dans l’environnement. En statuant ainsi, sans se limiter à rechercher si une mesure de régularisation impliquerait d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. » (CE, 28 avril 2021, n°441402)

Certes, dans cette espèce, les modifications à apporter au permis initial concernaient seulement l’implantation du projet mais une telle modification devait avoir de multiples conséquences sur « sa surface, son volume ainsi que la taille et la pente de sa toiture, en affecte sa conception générale et est, en outre, de nature à influer sur sa perception visuelle et son insertion dans l’environnement » (CAA de NANTES, 28 février 2020, n° 19NT01716)

La Cour avait d’ailleurs relevé que ces modifications n’étaient pas compatibles avec le parti architectural tel qu’il était défini dans la notice paysagère.

Or, le Conseil d’État confirme qu’une telle régularisation est possible sur les fondements des article L. 600-5 et L 600-5-1 alors même qu’elle influerait sur l’insertion dans l’environnement.

Il considère qu’il y a seulement lieu de s’interroger sur le point de savoir si la régularisation est susceptible de bouleverser la nature même du projet.

Cela revient à neutraliser la condition tenant à ce que la régularisation concerne une partie identifiable du projet.

Se dirige-t-on vers la disparition de cette condition à la faveur d’un rapprochement entre le régime de mise en œuvre des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ?

Seule une décision de principe du Conseil d’État permettra de le confirmer mais une telle évolution n’est pas exclue compte tenu de la tendance jurisprudentielle actuelle.

Pour lire l’avis, c’est ici : https://www.legifrance.gouv.r/jorf/id/JORFTEXT000042407896

Le 25 juin 2021

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