Attention à ne pas abuser des demandes indemnitaires sur le fondement de l’abus de droit 

Dans un arrêt récent, la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE a condamné un promoteur immobilier à indemniser des requérants qu’il avait assignés devant le juge judiciaire pour abus de droit. Elle a considéré qu’en l’espèce, une telle procédure avait eu pour seul objectif de faire pression sur eux afin qu’ils renoncent à leur action dirigée contre le permis de construire, ce qui caractérisait un abus de droit. Un bel exemple de l’arroseur arrosé.
  • On se souvient que la Cour de cassation avait jugé que lorsque le requérant attaque un permis de construire « dans le dessein de déstabiliser et de faire pression sur les défendeurs », il commet un abus de droit qui engage sa responsabilité (Cour de cassation, 5 mars 2015, n°14-13491).

Dans cette affaire, la Cour de cassation avait rejeté la demande reconventionnelle du requérant alors même qu’elle relevait « que s’il est indéniable que le montant particulièrement élevé des dommages-intérêts réclamés était de nature à déstabiliser les intimés, voire à faire pression sur eux, il n’en reste pas moins que la société pouvait légitimement considérer que les recours en annulation dirigés contre son permis de construire ne reposaient sur aucun moyen sérieux, n’avaient pour objet que de lui nuire et retarder la mise en oeuvre de son projet immobilier puisqu’il ressort de la lecture du jugement rendu le 22 avril 2013 par le tribunal administratif de Marseille qu’un seul des très nombreux moyens soulevés a été jugé recevable et bien fondé »

Cette solution était donc particulièrement sévère pour le requérant dont la volonté de nuire avait été reconnue nonobstant la recevabilité de sa requête dirigée contre le permis de construire et le caractère fondé de l’un des moyens soulevés.  Dans ce cas, la Cour de cassation était allée jusqu’à considérer que cette intention malveillante légitimait une réponse disproportionnée du défendeur « de nature à déstabiliser les intimés, voire à faire pression sur eux ».

  • Dans une affaire récente, la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE propose une solution totalement différente et décide de faire droit aux demandes reconventionnelles des requérants.

Pour ce faire elle rappelle premièrement la chronologie des faits qui indique que la mise en demeure de retirer le recours a été faite pendant l’instruction de la requête par le tribunal administratif. Deuxièmement, elle souligne le montant particulièrement élevé de la demande supérieur à 15 000 000 d’euros. Enfin, elle relève que le permis comportait bien des irrégularités.

Elle en déduit que « la procédure engagée contre M. [M] et le montant de l’indemnisation réclamée, de nature à faire forte impression sur le particulier auquel elle est réclamée, traduit, comme l’a estimé à juste titre le premier juge, une volonté de la SAS Corniche du bois sacré de faire pression et d’intimider qui caractérise, par une instrumentalisation du procès, un abus dans l’exercice de son droit d’agir en justice. Elle consacre un dessein de nuire à M. [M] afin de le déterminer à renoncer à son action. » (CA Aix-en-Provence, 30 janv. 2024, n° 20/00834)

En conséquence, la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE a condamné le promoteur à indemniser les requérants à hauteur de leur préjudice moral.

Si cette condamnation interroge sur l’évolution de la jurisprudence en la matière, elle reste tout à fait symbolique, les sommes allouées étant particulièrement faibles.

Elodie Vilchez, le 9 février 2024

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