Ordonnance du TA de Bordeaux du 27 Juin 2024 – n° 2400229
Dans une décision n° 2400229 du TA de Bordeaux en date du 27 juin 2024, le juge administratif avait à se prononcer sur des conclusions présentées au titre de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme à l’occasion d’un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire.
Pour mémoire, l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme permet au bénéficiaire d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, lorsque le droit de former un recours contre une telle décision est « mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice », de demander au juge la condamnation de l’auteur du recours à lui allouer des dommages et intérêts.
En pratique, les demandes formées en application de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme sont pour l’essentiel systématiquement rejetées, notamment en raison de la difficulté pour le bénéficiaire du permis de justifier des conditions requises. L’exercice d’un recours contre la décision ne traduisant pas, par principe, un comportement abusif1.
Au cas d’espèce, la formulation retenue par le TA de Bordeaux retient l’attention s’agissant de la qualité de la partie en droit de demander des dommages et intérêts :
« Les dispositions de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme doivent s’entendre restrictivement compte-tenu de leur portée. Ainsi elles ne sauraient donner lieu à condamnation lorsqu’elles sont formulées par une personne autre que le bénéficiaire d’un permis de construire. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la société AMC, non bénéficiaire du permis de construire attaqué, sont rejetées comme étant irrecevables »2.
Bien que l’on ignore exactement en quelle qualité la société en question était intervenue à la procédure, on comprend que cette dernière était venue au soutien des bénéficiaires du permis. Pour autant, elle n’en devenait pas la bénéficiaire au sens strict. Quand bien même, comme on peut l’imaginer, sa demande était motivée par un préjudice qu’elle estimait subir à raison du recours.
Par conséquent, une application à la lettre des termes de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme, qui réserve au seul « bénéficiaire du permis » et à personne d’autre le droit de demander des dommages et intérêts, conduit le juge à rejeter la demande.
Dans un précédent jugement du 22 janvier 2024, le TA de Paris avait déjà retenu la formule selon laquelle les dispositions de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme « doivent s’entendre restrictivement compte tenu de leur portée », en rejetant la demande du bénéficiaire d’un permis qui se prévalait de ces dispositions, non pas à l’occasion d’un recours dirigé contre le permis en lui-même, mais « contre la décision refusant de retirer un permis de construire »3.
Ces décisions illustrent le contrôle strict opéré par le juge s’agissant des conditions de mise en œuvre de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme, d’une part à l’égard de la qualité de la partie en droit de formuler la demande et, d’autre part, quant à l’objet de la décision en litige susceptible d’ouvrir droit à une demande de dommages et intérêts.
Strasbourg, le 8 juillet 2024
Olivier CHEMINET est avocat au Barreau de Strasbourg
- Pour un retour d’expérience sur l’efficience de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme voir : Recours abusifs : un bilan en demi-teinte pour la loi Elan, Le Moniteur 9 septembre 2022 ↩︎
- Tribunal Administratif de Bordeaux – 27 juin 2024 – N° 2306795 https://opendata.justice-administrative.fr/recherche/shareFile/ORTA_2306795_20240627 ↩︎
- Tribunal Administratif de Paris – 22 janvier 2024 – N° 2200354 – https://opendata.justice-administrative.fr/recherche/shareFile/DTA_2200354_20240122 ↩︎