A cette question, qui en pratique se pose de manière récurrente, la Cour administrative d’appel de Nancy répond par la négative dans le contexte factuel suivant.
En vue de la réalisation d’un programme de construction de logements locatifs sociaux, le conseil municipal d’une commune mosellane a approuvé la cession d’une parcelle d’une contenance de 70 ares environ lui appartenant à une SA de HLM. La délibération prise à cette fin a été contestée devant la juridiction administrative par des voisins de la parcelle objet de la vente. Dans le cadre de la procédure dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ayant rejeté leur requête, les appelants ont notamment soutenu qu’une mesure de publicité aurait dû être mise en œuvre dès lors que le projet pour lequel la cession de la dépendance du domaine privé communal a été approuvée répond à un besoin d’intérêt général défini par la commune. Ce moyen est toutefois écarté.
L’on sait en effet que le juge administratif considère -de longue date- que les ventes d’immeubles des collectivités territoriales ne sont pas soumises à publicité et mise en concurrence préalables (CE, 26 octobre 1994, Monier, n° 121717 ; CE, 8 février 1999, Ville de Lourdes, n° 168043 ; CAA Nancy, 25 mars 2004, M. Hautenauve, n° 99NC1278). Ainsi que l’a rappelé la Cour de Marseille dans l’arrêt Commune de Rognes » du 25 février 2010 (n° 07MA03620) bien connu des juristes aguerris au droit de la commande publique : « Considérant qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose aux collectivités locales de faire précéder la simple cession d’un immeuble du domaine privé de mesures de publicité et d’organiser une mise en concurrence des acquéreurs éventuels ».
Cette solution est appliquée de manière systématique par les juridictions administratives (CAA Lyon, 22 mars 2018, n° 17LY01413 ; CAA Bordeaux, 3 septembre 2020, n° 18BX04475) et le considérant de principe cité plus-haut est à nouveau reproduit dans l’arrêt de la Cour de Nancy du 22 juin 2021.
Elle est toutefois écartée dans l’hypothèse d’une cession immobilière « avec charges » par opposition aux ventes dites « sèches ». Tel est le cas lorsque la collectivité assortit la cession de la dépendance du domaine privé d’obligations pour l’acquéreur. Ainsi, lorsque les caractéristiques du projet pour lequel la cession a été décidée ont été établies de manière précise et détaillée par la personne publique en cause pour répondre à un besoin d’intérêt général préalablement défini par elle, la délibération approuvant cette vente doit être précédée de règles minimales de publicité et de mise en concurrence résultant des principes généraux du droit de la commande publique. C’est ce que la Cour de Nancy juge, qui applique là encore le principe dégagé par la Cour de Marseille dans l’arrêt Commune de Rognes précité (v. également CAA Lyon, 16 novembre 2017, n°16LY03824). Mais en l’espèce, elle considère que la seule circonstance que la commune a modifié l’une des offres faites par la SA de HLM, afin qu’elle réalise 6 T3 au lieu de 24 T2, ne permet pas de considérer que la cession est intervenue « avec charges ».
On ajoutera également que lorsqu’une personne publique fait le choix, sans y être contrainte, de céder un bien de son domaine privé par la voie d’un appel à projets comportant une mise en concurrence, elle est tenue de respecter le principe d’égalité de traitement entre les candidats au rachat de ce bien (CE, 27 mars 2017, Centre hospitalier spécialisé de la Savoie, n° 390347 ; pour une confirmation récente de cette solution, v. CAA Nancy, 23 juillet 2020, n° 18NC02029). Comme le Conseil d’Etat l’a jugé, il ne saurait cependant en découler qu’elle doit « respecter les règles relatives à la commande publique, qui ne sont pas applicables à la cession d’un bien » (CE, 16 avril 2019, n° 420876).
Référence de la décision :CAA Nancy, 22 juin 2021, n° 19NC02745
Article publié le 29 juin 2021
Lien vers l’arrêt :