[DOCTRINE] LE MAIRE PEUT ORDONNER LA DÉMOLITION D’UNE CONSTRUCTION ÉDIFIÉE DE MANIÈRE IRRÉGULIÈRE

Interrogé par un parlementaire sur la question de savoir si les dispositions des articles L. 481-1 à L. 481-3 du Code de l'urbanisme permettent à un maire de prescrire la démolition de constructions ou d'aménagements édifiés sans l'obtention préalable d'une autorisation au titre de l'urbanisme, le ministère de la transition écologique vient d’y répondre par l’affirmative.

Cette réponse, publiée au journal officiel du Sénat du 12 janvier 2023, repose sur les considérations suivantes :

« Saisi récemment de cette question, le Conseil d’État a considéré que « l’article L.481-1 du code de l’urbanisme permet à l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme de mettre en demeure l’intéressé, soit de régulariser une construction illégale soit de la mettre en conformité avec les dispositions méconnues, y compris, si la mise en conformité l’impose, en procédant aux démolitions nécessaires (CE, 23 décembre 2022, n° 463331). Cette décision confirme donc l’intérêt du mécanisme d’astreinte administratives mis en place par les articles L. 481-1 à L.481-3 du code de l’urbanisme, issus de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, dans la lutte contre les constructions illégales. Ce mécanisme, qui peut être utilisé parallèlement à l’engagement des poursuites pénales, permet une action rapide du maire pour traiter les infractions en matière d’urbanisme ».

Dans l’arrêt n° 463331 cité dans cette réponse ministérielle, le Conseil d’État a en effet jugé qu’il résulte des dispositions de l’article L 481-1 du Code de l’urbanisme « que, dans le but de renforcer le respect des règles d’utilisation des sols et des autorisations d’urbanisme, le législateur a entendu, que, lorsqu’a été dressé un procès-verbal constatant que des travaux soumis à permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensés, à titre dérogatoire, d’une telle formalité ont été entrepris ou exécutés irrégulièrement, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme puisse, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale et indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l’infraction constatée, mettre en demeure l’intéressé, après avoir recueilli ses observations, selon la nature de l’irrégularité constatée et les moyens permettant d’y remédier, soit de solliciter l’autorisation ou la déclaration nécessaire, soit de mettre la construction, l’aménagement, l’installation ou les travaux en cause en conformité avec les dispositions dont la méconnaissance a été constatée, y compris, si la mise en conformité l’impose, en procédant aux démolitions nécessaires. Cette mise en demeure peut être assortie d’une astreinte, prononcée dès l’origine ou à tout moment après l’expiration du délai imparti par la mise en demeure, s’il n’y a pas été satisfait, en ce cas après que l’intéressé a de nouveau été invité à présenter ses observations ».

Autrement dit, dès qu’un PV d’infraction au Code de l’urbanisme a été dressé, le maire peut, sur le fondement de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme, enjoindre au contrevenant de mettre en conformité la construction illégale, sous astreinte, en procédant le cas échant à sa démolition.

Le tribunal judiciaire (habilité par l’article L. 480-7 du Code de l’urbanisme, pour ce qui concerne le juge pénal, et par l’article L. 480-14 du même code, s’agissant du juge civil) n’est donc plus la seule autorité compétente pour ordonner la démolition de travaux en cas d’infraction au Code de l’urbanisme.

Désormais, cette démolition peut également être imposée par le maire, dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs de police spéciale conférés par l’article L 481-1 du Code de l’urbanisme.

La solution consacrée par le Conseil d’État ne semble pas porter atteinte au principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR), selon lequel l’autorité judiciaire est garante de la propriété. En effet, la compétence qui résulte de ce PFRLR est circonscrite à l’indemnisation des privations de propriété (Cons. Const., décision n° 89-256 DC, 25 juillet 1989). Au demeurant, les juges de la rue de Montpensier ont considéré dans une décision de 2020 que si la démolition d’un ouvrage prononcée en application de l’article L 480-14 du Code de l’urbanisme a pour effet de priver son propriétaire de la propriété de ce bien irrégulièrement bâti, elle n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 de la Déclaration de 1789 (Cons. Const., décision n° D2020-853 DC, 31 juillet 2020).

Il n’en reste pas moins que « l’arme » dont disposent les maires pour contraindre les contrevenants à régulariser une construction irrégulière en procédant à sa démolition devra être utilisée avec beaucoup de prudence. En effet, comme toute mesure de police administrative, la mise en demeure de démolir la construction irrégulièrement édifiée ne sera légale que si elle est nécessaire au vu du risque de troubles à l’ordre public et proportionnée à ces risques (pour un rappel récent de la solution selon laquelle « il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, d’apprécier la nécessité de prendre des mesures de police au vu des risques de troubles à l’ordre public dont elle a connaissance et de veiller à ce que ces mesures soient proportionnées à ces risques » , v. par exemple CAA Lyon, 20 octobre 2022, n° 21LY01319).

Pour lire la réponse ministérielle n° 01748 publiée au Journal officiel du Sénat du 12 janvier 2023 (page 231) et l’arrêt du Conseil d’État n° 463331 du 23 décembre 2022, c’est ici :

https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ221003563.html

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2022-12-22/463331

David GILLIG

Le 13 janvier 2023

* image d’illustration mise gracieusement à disposition par la Société TP FRICK

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