Les faits sont simples et plus que classiques : le vendredi précédant le scrutin, en fin de journée, un maire sortant et candidat à sa réélection fait distribuer un tract dans les boites à lettre de ses administrés accusant un candidat adverse de vol de denrées alimentaires lors d’une festivité organisée par la commune.
La liste de ce même maire est réélue avec une avance de 29 voix le dimanche suivant. En toute logique, son adversaire dépose une protestation électorale et obtient devant le Tribunal administratif de Strasbourg l’annulation du scrutin. Cette annulation est contestée en appel par le maire.
Dans son arrêt, le Conseil d’État vient sanctionner cette pratique largement répandue lors des élections locales qui consiste à faire distribuer un tract de dernière minute pour tenter d’emporter quelques voix supplémentaires lors du scrutin (voir en ce sens un jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 31 juillet 2020, n° 2002212 et 2002525, sur une élection municipale de mars 2020).
Or, l’article L. 48-2 du Code électoral est clair : « il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ».
En l’espèce, la juridiction a retenu que ces accusations de vol étaient constitutives « d’un élément nouveau de polémique électorale » bien que l’appelant soutînt, à l’inverse, que ces faits étaient connus de tous au village.
La sanction semble logique dès lors qu’en application de l’article L. 49 du même code, son adversaire ne pouvait répondre à ce tract puisqu’ « à partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou de faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents » y compris par voie électronique.
« Compte tenu de la gravité » des imputations de vol présentes dans le tract litigieux et du fait que le scrutin n’ait été remporté qu’avec une marge de 29 voix (soit un écart de 4.86% des suffrages exprimés), le juge d’appel a retenu que la sincérité du scrutin a été altérée (v. en ce sens Conseil d’État, 1ère SSJS, 7 janvier 2015, 383314, Inédit au recueil Lebon). L’annulation prononcée en première instance a ainsi été confirmée.
Solution somme toute assez classique, mais qui mérite d’être rappelée en cette période pré-électorale.
Pour lire la décision, c’est ici : Conseil d’État, 8ème chambre, 16 avril 2021, 446485
Matthieu PRIMUS
Le 7 mai 2021