ENTRÉE EN VIGUEUR DU VOLET « AMÉNAGEMENT COMMERCIAL » DE LA LOI CLIMAT ET RÉSILIENCE

Le décret d'application prévu par le dernier alinéa de l'article L. 752-6 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi Climat et Résilience a été publié.

Cela fait désormais plus d’un an que l’article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’article 215 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi dite « Climat et Résilience »), prévoit une interdiction de principe de tout projet commercial entraînant une artificialisation des sols.

L’application effective de ces dispositions était toutefois suspendue à la publication d’un décret annoncé par le dernier alinéa de l’article L. 752-6 du code de commerce pour préciser les modalités d’application de cette interdiction et des exceptions dont elle est assortie, ainsi que « les projets considérés comme engendrant une artificialisation des sols » au sens des dispositions en cause.

C’est désormais chose faite avec la parution du décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 relatif aux modalités d’octroi de l’autorisation d’exploitation commerciale pour les projets qui engendrent une artificialisation des sols.

Le décret s’applique pour les demandes déposées à compter du 15 octobre 2022.

Au titre de la définition des projets engendrant une artificialisation au sens de ces dispositions (et donc du champ d’application du principe d’interdiction), le décret précise :

« Pour l’application du V de l’article L. 752-6, est considéré comme engendrant une artificialisation des sols un projet d’équipement commercial dont la réalisation engendre, sur la ou les parcelles cadastrales sur lesquelles il prend place, une augmentation des superficies des terrains artificialisés, au sens du neuvième alinéa de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme, par rapport à l’état de ces mêmes parcelles à la date du 23 août 2021. »

Pour mémoire, le neuvième alinéa de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme définit l’artificialisation comme suit :

« L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. »

La précision apportée par le décret apparaît utile. Si l’on s’en tient à la rigueur de la loi, toute artificialisation du terrain d’assiette de l’opération, aussi limitée soit-elle, fait basculer le projet dans le champ de l’interdiction.

Le décret semble pour sa part permettre de raisonner en termes d’artificialisation « nette », en soustrayant de l’artificialisation opérée les éventuelles surfaces désartificialisées. Ce qui compte en définitive, c’est qu’à l’échelle du terrain d’assiette de l’opération, il n’y ait pas d’augmentation des superficies des terrains artificialisés par rapport à la date d’entrée en vigueur de la loi Climat et Résilience.

Le décret apporte également des précisions sur les modalités de dérogation ouvertes par la loi.

Ainsi, s’agissant de l’insertion du projet dans l’urbanisation environnante (qui n’est pas exactement la formule retenue par la loi qui parle, pour sa part, de son insertion « en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d’urbanisation adéquat »), celle-ci s’apprécie notamment par référence à l’amélioration de la mixité fonctionnelle du secteur, mais également de sa conformité avec les règles d’urbanisme en vigueur. En cela, le texte réintroduit un lien qui n’apparaît pas particulièrement heureux entre l’aménagement commercial et l’application du droit du sol, alors même que les commissions d’aménagement commercial ne sont, en l’état, pas compétentes pour apprécier la conformité des projets commerciaux aux règles d’urbanisme.

S’agissant de la justification de la contribution du projet « aux besoins du territoire », elle s’apprécie notamment en considération de l’évolution démographique de ce dernier, du taux de vacance commerciale et de l’offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise du projet. Cela ne lève pas les craintes tenant à la conformité de ce critère au droit européen qui interdit de subordonner l’exercice d’une activité de service à « l’application au cas par cas d’un test économique consistant à subordonner l’octroi de l’autorisation à la preuve de l’existence d’un besoin économique ou d’une demande du marché » (Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, article 14).

Le décret apporte également des précisions sur les mesures de compensation qui seront « mises en œuvre, en plus de ce qui peut être fait à proximité immédiate du projet, en priorité au sein des zones de renaturation préférentielles lorsque de telles zones sont identifiées » dans les PLU et les SCoT. L’équivalence est appréciée en termes qualitatifs et quantitatifs, sachant que les gains obtenus par la compensation doivent être au moins égaux aux pertes occasionnées par le projet.

Enfin, le décret apporte quelques précisions sur les conditions dans lesquelles intervient l’avis conforme du préfet pour les projets engendrant une artificialisation d’une surface de vente de plus de 3000 m² (mais moins de 10 000 m² qui représente la limite au-delà de laquelle aucune dérogation ne peut être accordée). Cet avis sera réputé défavorable s’il n’est pas parvenu aux membres de la CDAC cinq jours au moins avant la réunion. Le décret ne dit en revanche rien des éventuels recours dont disposerait le pétitionnaire pour contester l’avis conforme défavorable du préfet, dont il n’est pas certain qu’il puisse simplement être remis en cause par la CNAC dans le cadre d’un recours dirigé contre l’avis défavorable de la CDAC qui s’en suivra nécessairement.

Dans la mesure où, comme cela a été rappelé, le décret est d’application immédiate, ces questions ne manqueront pas de se poser rapidement dans la pratique.

Jonathan Waltuch

Le 24 octobre 2022

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