Sanction de l’inexécution d’une décision d’expulsion en cas d’appel

Bailleurs, pensez à solliciter la radiation en cas d’appel portant sur une décision ordonnant l’expulsion de votre locataire.

L’exécution des jugements et ordonnances condamnant un occupant à libérer un local d’habitation relève bien souvent du casse-tête pour les bailleurs. Entre la trêve hivernale et la nécessité d’obtenir le concours de la force publique, il arrive en effet qu’un délai très long puisse s’écouler entre la décision de justice ordonnant l’expulsion et son exécution pratique.

Dans certains cas, le locataire condamné à libérer le local saisit la Cour d’appel ce qui conduit à rallonger encore les délais d’exécution : quand bien même les décisions de première instance sont, en principe, assorties de l’exécution provisoire, les services de l’Etat seront bien souvent réticents à accorder le concours de la force publique pour l’exécution d’une décision frappée d’appel.

Dans cette configuration, il est cependant possible d’obtenir la radiation de l’appel pour défaut d’exécution du jugement de première instance, sur le fondement des dispositions de l’article 524 du Code de procédure civile, qui prévoit, en son alinéa 1er :

« Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision. »

La décision de radiation qui sera prononcée empêchera l’affaire d’être réinscrite, et donc examinée par la Cour, tant que le locataire n’aura pas quitté les lieux.

Le locataire pourra s’opposer à la demande de radiation en démontrant que l’exécution de la décision de première instance emporterait des conséquences manifestement excessives. Cependant, le conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de COLMAR, selon ordonnance du 12 décembre 2023, a validé le raisonnement développé par le Cabinet SOLER COUTEAUX ET ASSOCIES pour le compte de l’un de ces clients bailleur social, selon lequel la locataire qui ne justifiait d’aucune démarche en vue de son relogement, ni demande tendant à l’obtention de délais d’exécution, ne pouvait utilement soutenir que l’exécution de l’ordonnance la condamnant à libérer le local d’habitation qu’elle occupait entrainerait des conséquences manifestement excessives.

Il est précisé que le locataire condamné à libérer un local d’habitation pourrait adopter une attitude proactive et saisir lui aussi le Conseiller de la mise en état aux fins d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision de première instance sur le fondement des dispositions de l’article 514-3 du Code de procédure civile. Encore faut-il, pour cela, que le locataire ait fait valoir des observations en première instance, tendant à ce que le juge écarte l’exécution provisoire. Or, bien souvent, le locataire n’est pas assisté d’un avocat en première instance et ne pensera pas à formuler ce type de demande.

Ainsi, les dispositions du Code de procédure civile organisant l’exécution provisoire peuvent être utilisées pour empêcher l’allongement des délais d’exécution d’une décision ordonnant l’expulsion d’un locataire induite par un appel.

Le 21 décembre 2023

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