TA Strasbourg, 9 décembre 2021, n° 1904266, 1904386
Le 3 janvier 2022
Par un jugement du 9 décembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg s’est prononcé sur la légalité d’un changement d’affectation d’une fonctionnaire, intervenu dans un contexte où l’Administration lui reprochait explicitement des griefs de nature disciplinaire.
La requérante soutenait en conséquence que le changement d’affectation ne constituait ni plus ni moins qu’une sanction déguisée.
Tout d’abord, on rappellera que la grille d’analyse permettant d’identifier la présence, ou non, d’une sanction disciplinaire déguisée nécessite de caractériser cumulativement un élément objectif -relatif aux conséquences de la mesure sur la situation de l’agent, laquelle doit porter atteinte à sa situation professionnelle-, mais aussi un élément subjectif tenant à l’intention « de porter une certaine atteinte à la situation professionnelle de l’agent sur la base d’un grief articulé contre lui » (conclusions Genevois sous la décision du CE du 9 juin 1978, n° 08397, au recueil p. 237, citées par G. Pellissier, sous Conseil d’Etat, 25 septembre 2015, n° 372624).
Il faut également préciser que l’enjeu pour le requérant de faire reconnaître l’existence d’une sanction déguisée tient, notamment, aux garanties procédurales en matière disciplinaire qui doivent dans ce cas nécessairement avoir été mises en œuvre par l’Administration, faute de quoi la décision attaquée encourt l’annulation.
Au cas d’espèce, le tribunal juge que tant l’élément objectif que l’élément subjectif révèlent le caractère disciplinaire du changement d’affectation en cause.
S’agissant de l’élément objectif, le tribunal constate que le changement d’affectation emportait une réduction sensible des responsabilités et des avantages dont bénéficiait la fonctionnaire dans sa précédente affectation. Pour le tribunal, il y a donc eu objectivement atteinte à sa situation professionnelle.
S’agissant ensuite de l’élément subjectif, le tribunal relève que le changement d’affectation était intervenu sur un poste qui, manifestement, avait été créé de manière opportune par l’administration pour y affecter l’agent : le poste n’existait pas auparavant et ne semble plus avoir été occupé lorsque l’agent a postérieurement quitté la collectivité.
Surtout, le tribunal retient également la circonstance que, concomitamment au changement d’affectation, l’administration avait adressé plusieurs correspondances faisant état de reproches sur la manière de servir du fonctionnaire et évoquant des possibilités de sanction.
Dans un tel contexte, le tribunal considère que « eu égard d’une part, à la nature des faits qui lui étaient ainsi reprochés et, d’autre part, aux conséquences que le retrait d’emploi contesté a eues sur sa carrière, Mme A. est fondée à soutenir que le changement d’affectation prononcé, alors même qu’il aurait été pris également dans l’intérêt du service, n’en a pas moins revêtu à son égard un caractère disciplinaire » (TA Strasbourg, 9 décembre 2021, n° 1904266, 1904386).
Il est plutôt rare que le juge administratif sanctionne l’existence d’une sanction déguisée. Néanmoins, le jugement du TA de Strasbourg n’est pas une décision isolée : dans une affaire similaire, la CAA de Douai a jugé dans le même sens que la concomitance entre un changement d’affectation et des mesures prises sur le terrain disciplinaire révélait l’intention de sanction de l’administration (CAA de DOUAI, 31 janvier 2019, n° 17DA00621).
Nous remercions vivement M. le rapporteur public pour la communication de ses conclusions sur cette affaire.