Dans cette affaire, les requérants soutenaient notamment que la Société FONCIERE HUGUES AURELE ne pouvait solliciter la délivrance du permis d’aménager en cause dont l’emprise était traversée par une partie d’un chemin rural sans être titré sur cette dépendance du domaine privé de la commune, et sans que soit respecté le formalisme prévu par le Code rural et de la pêche maritime préalablement à la cession de cette portion.
Ces moyens ont été écartés par la Cour.
En premier lieu, celle-ci considère que le lotissement peut porter sur plusieurs unités foncières contigües, ainsi que le prévoit l’article L 442-1 du Code de l’urbanisme, et donc sur des terrains contigus appartenant à des propriétaires différents. A cet égard, on rappellera que l’unité foncière est définie par le Conseil d’Etat comme « un îlot de propriété d’un seul tenant, composé d’une parcelle ou d’un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision » (CE, 27 juin 2005, n° 264667, Cne Chambéry). En revanche, deux unités foncières séparées par une voie publique ne peuvent pas être considérées comme contiguës. Par conséquent, le pétitionnaire qui souhaite aménager deux ensembles de parcelles situées de part et d’autre de cette voie doit déposer deux demandes de permis d’aménager ou deux déclarations préalables à un lotissement (Rép. min. n° 36018 : JOAN 5 nov. 2013, p. 11623 ; Constr.-Urb. 2014, alerte 10, note D. Gillig). Il en va tout autrement lorsque le projet de lotissement inclut tout ou partie d’un chemin rural dans le terrain d’assiette de cette opération d’aménagement. En effet, comme en dispose l’article L 161-1 du Code rural et de la pêche maritime, les chemins ruraux « font partie du domaine privé de la commune ».
En deuxième lieu, la Cour considère qu’un chemin rural peut valablement être inclus dans le périmètre d’un lotissement sans que son emprise soit cédée au pétitionnaire antérieurement à la délivrance du permis d’aménager. Par suite, cette autorisation d’urbanisme peut être légalement délivrée alors même que le chemin rural n’a pas encore fait l’objet d’une désaffectation ou d’un déclassement. En toute hypothèse et ainsi que la Cour le souligne, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L 161-10 du Code rural et de la pêche maritime aux termes duquel la vente d’un chemin rural ne peut être décidée que lorsqu’un chemin rural cesse d’être affecté à l’usage du public, est inopérant à l’appui d’un recours contre un permis d’aménager.
En dernier lieu, la Cour admet que le pétitionnaire a été implicitement mais nécessairement autorisé par la commune à intégrer l’emprise du chemin rural en cause dans le périmètre du lotissement projeté. Il importe donc peu qu’il ne soit pas propriétaire de ce chemin et que la commune ne l’ait pas autorisé expressément à déposer la demande de permis d’aménager sur cette emprise. En effet, l’OAP applicable au secteur concerné a identifié, à l’emplacement du chemin rural, la voie principale de desserte du lotissement qui correspond à celle figurant dans le dossier de demande de permis d’aménager.
L’arrêt de la Cour de Nancy illustre les difficultés auxquelles le porteur d’un projet de lotissement peut se trouver exposé lorsque le périmètre de son opération inclut un segment d’un chemin rural. Pour éviter tout risque contentieux sur ce point, on ne peut que conseiller aux lotisseurs de régler par anticipation cette problématique en procédant à l’acquisition foncière de la partie du chemin rural incluse dans l’assiette de leur projet, avant la délivrance du permis d’aménager, dans les conditions prévues par le Code rural et de la pêche maritime.
Pour retrouver l’arrêt de la CAA de NANCY du 23 novembre 2021, c’est ici : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000044387255?init=true&page=1&query=19nc02764&searchField=ALL&tab_selection=all
le 06 décembre 2021