[VEILLE JURISPRUDENTIELLE] DÉMISSION D’OFFICE D’UN CONSEILLER MUNICIPAL ET REFUS DE TENIR UN BUREAU DE VOTE

La Cour administrative d’appel de Paris vient de rejeter la requête d’un maire d’une commune francilienne, laquelle tendait à déclarer démissionnaire d’office une conseillère municipale d’opposition qui a refusé de tenir un bureau de vote lors des élections départementales du 27 juin 2021.

Le 27 juin dernier, Mme X, Conseillère municipale siégeant dans un groupe d’opposition à VILLEMONBLE a refusé d’être assesseure dans un bureau de vote de la commune lors du scrutin du second tour des élections départementales dans la mesure où, elle-même candidate audit scrutin, son binôme l’avait désigné comme assesseur dans un autre bureau du canton.

Le motif a dû paraitre insuffisant pour le Maire de VILLEMONBLE, également candidat et concurrent direct de Mme X.

L’édile, par une requête confirmative devant la Cour administrative d’appel de Paris, a demandé à ce que cette dernière soit déclarée démissionnaire du Conseil Municipal en application des dispositions de l’article L. 2121-5 du Code général des collectivités territoriales qui dispose qu’un « membre d’un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois » peut être « déclaré démissionnaire par le tribunal administratif ».

Dans son arrêt, la Cour a relevé que l’obligation pour un conseiller municipal de tenir un bureau de vote faisait partie justement des « fonctions qui lui sont dévolues par les lois » en application de cet article (voir pour le rôle d’assesseurs de bureau de vote : CE, 26 novembre 2012, n°349510).

Toutefois, elle a l’occasion de préciser :

  •  d’une part, que l’élu appelé à tenir le bureau « ne peut se soustraire à cette obligation que s’il est en mesure, sous le contrôle du juge administratif, de présenter une excuse valable » (conformément à la jurisprudence constante en la matière CE, 21 octobre 1992, Alexandre, n° 138437) ;

  • et d’autre part que « peut-être, le cas échéant, regardé comme excipant d’une telle excuse un conseiller municipal qui établit l’existence de manœuvres consistant en des décisions ou comportements d’un maire destinés à provoquer un refus de l’intéressé d’exercer ses fonctions, susceptible de le faire regarder comme s’étant de lui-même placé dans la situation où il peut être déclaré démissionnaire d’office. »


La Cour analyse là l’hypothèse où le premier magistrat serait tenté de recourir à la possibilité de faire déclarer démissionnaire d’office membre de son conseil, non pas pour sanctionner un manquement à ses obligations électives, mais pour exclure purement et simplement un conseiller municipal (souvent d’opposition) de l’assemblée délibérante.

Cependant, pour éviter les dérives de l’utilisation de cet article L. 2121-5 du CGCT précité, la loi organise un certain nombre de garanties afin d’assurer que les maires ne puissent pas recourir à un tel dispositif dans un but autre que d’écarter du conseil un élu défaillant.

Au titre de ces garanties, l’on relèvera :

  • que la déclaration de démission d’office ne peut être effectuée que par le juge administratif ;
  • que le refus de réaliser ses obligations d’élu ne peut être qu’explicite (voir en ce sens, une décision du même jour CAA Lyon, 4e ch., 18 janv. 2022, n° 21LY02969) ou caractérisé par une « abstention persistante » de l’élu, malgré des avertissements « de l’autorité chargée de la convocation ».

En outre, le passage obligé devant le juge administratif permet également d’assurer la bonne réalisation du principe du contradictoire, afin, le cas échéant, de permettre à l’élu de se défendre des faits qu’on lui reproche.

Dans notre espèce, la CAA de Paris a jugé qu’en application des dispositions de l’article R. 44 du Code électoral, lequel prévoit que « les assesseurs de chaque bureau sont désignés conformément aux dispositions ci-après : – chaque candidat, binôme de candidats ou chaque liste en présence a le droit de désigner un assesseur et un seul pris parmi les électeurs du département ; – des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l’ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune. (…) », Mme X, en dépit d’une convocation en bonne et due forme du Maire de VILLEMONBLE d’assurer les fonctions d’assesseur dans un bureau de la Commune, présentait une excuse valable pour se soustraire à ses obligations dans la mesure où elle était déjà désignée pour exercer ces fonctions dans un autre bureau de vote.

Dans la suite de son raisonnement, la Cour a rejeté la requête du Maire de VILLEMONBLE.

Ainsi, la désignation au rôle d’assesseur par un candidat où un binôme de candidats constitue désormais une excuse valable pour refuser d’assurer cette fonction au sein de la commune dans laquelle l’on est élu.

En période électorale, cette précision peut apparaitre tout à fait utile à celles et ceux qui seront appelé(e)s à tenir les bureaux de vote dans leur commune.

Pour lire l’arrêt publié au recueil LEBON, c’est ici :

https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CAA_PARIS_2022-01-18_21PA05649#_

Matthieu PRIMUS

Le 15 février 2022

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