Cas classique et pourvoyeur de demandes de déclaration en démission d’office devant les tribunaux administratifs (voir mon dernier commentaire) : deux conseillers municipaux refusent d’assurer les fonctions d’assesseurs pour tenir un bureau de vote lors du scrutin des élections régionales et départementales. L’on rappellera à cette occasion que les élus locaux sont tenus d’assumer ces fonctions en cas de demande du maire en application de l’art. R 44 du Code électoral, lequel dispose : « les assesseurs de chaque bureau sont désignés conformément aux dispositions ci-après : – chaque candidat, binôme de candidats ou chaque liste en présence a le droit de désigner un assesseur et un seul pris parmi les électeurs du département ; – des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l’ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune (…) ».
En réponse à ces refus, le Maire de BONDY a demandé, par requête confirmative devant la CAA de PARIS, à ce que ces deux conseillers municipaux soient déclarés démissionnaires d’office de leur mandat en application de l’article L. 2121-5 du Code général des collectivités territoriales.
Si des arguments avaient été opposés en défense (notamment que les élus en cause n’auraient pas été convoqués et n’auraient pas expressément opposé un refus pour assurer ces obligations, ou que l’un d’entre eux justifiait avoir suivi une formation professionnelle ces dimanches-là), la Cour va écarter la requête du Maire de BONDY par une décision constatant le non-lieu à statuer.
Le motif : à la date où la Cour a statué (le 18 janvier 2022), il était constant que les élections municipales de BONDY des 15 mars et 28 juin 2020 avaient été annulées par un arrêt du Conseil d’Etat devenu définitif (CE, 3ème chambre, 22 novembre 2021, 450598, Inédit au recueil Lebon). Les élus en cause n’étaient donc plus conseillers municipaux au jour de la mise à disposition de la décision :
« 3. Il résulte de l’instruction que les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 en vue de l’élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Bondy ont été annulées par un jugement n° 2006201 du Tribunal administratif de Montreuil du 12 février 2021, devenu définitif, la requête présentée contre ce jugement ayant été rejetée par une décision du Conseil d’Etat n° 450598 du 22 novembre 2021. Ainsi, les mandats électifs de Mme A… et de M. Matili ont pris fin. Dans ces conditions, la requête du maire de la commune de Bondy, enregistrée le 25 octobre 2021, est devenue sans objet. Il n’y a pas lieu d’y statuer. »
« Quelle chose par-là nous peut être enseignée ? » J’en vois deux :
La première, (assez logique en somme) : peu importe que la défaillance de l’élu soit caractérisée ou non, elle est intrinsèquement liée à l’existence du mandat de ce dernier. Le mandat ayant pris fin avant l’intervention de sa décision, la Cour administrative d’appel de Paris estime n’avoir plus à se prononcer sur d’éventuels manquements.
La seconde étant que les élus en cause risquaient bien plus que la fin prématurée de leur mandat. Ils risquaient l’inéligibilité si la Cour s’était prononcée plus tôt et les eut déclarés démissionnaires d’office conformément aux termes du dernier aliéna de l’article L. 2121-5 du CGCT : « le membre ainsi démissionnaire ne peut être réélu avant le délai d’un an ».
L’on précisera que le timing a manifestement joué en leur faveur, puisque l’un d’entre eux a retrouvé son siège de Conseiller Municipal à la suite des élections municipales partielles intervenues en janvier dernier. Si la requête du Maire de BONDY avait prospéré, cela aurait pu faire obstacle à sa réélection.
Pour lire la décision commentée, c’est ici :
Matthieu PRIMUS
Le 19 février 2022