[PROCÉDURE D’ÉTABLISSEMENT DU DÉCOMPTE] : LE CONSEIL D’ÉTAT APPORTE DES PRÉCISIONS SUR LES CONDITIONS DANS LESQUELLES LA MISE EN DEMEURE D’ÉTABLIR LE DÉCOMPTE, ADRESSÉE PAR LE TITULAIRE AU MAITRE D’OUVRAGE, EN APPLICATION DE L’ARTICLE 13.4.2 DU CCAG 2009, PEUT ÊTRE REGARDÉE COMME PRÉMATURÉE (CE, 10/11/2021, N° 449395).

A l’occasion d’un contentieux lié à l’établissement d’un décompte, la Cour administrative d’appel de NANCY avait estimé que les demandes formées par la société SOLUDEC, représentée en appel par le Cabinet SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES, à l’encontre de la Ville de METZ, maître d’ouvrage, étaient irrecevables.

Le marché faisait référence au CCAG 2009, dans sa version applicable avant l’arrêt du 3 mars 2014. Après la réception des travaux avec réserves, le titulaire avait notifié, à la maîtrise d’œuvre et à la maîtrise d’ouvrage son projet de décompte. En l’absence de notification, par la Ville de METZ, du décompte général dans le délai de 45 jours alors applicable, le titulaire avait, conformément à l’article 13.4.2 du CCAG, adressé au maître d’ouvrage une mise en demeure d’avoir à établir le décompte général.

Toujours sans nouvelles du maître d’ouvrage, la société SOLUDEC a alors pris l’initiative de saisir le Tribunal administratif de STRASBOURG, afin qu’il procède à l’établissement du décompte et condamne le maître d’ouvrage à lui verser le solde de son marché, outre l’indemnisation des travaux supplémentaires engagés. Ce n’est que deux mois après la saisine du juge administratif que la Ville de METZ a enfin notifié son décompte général au titulaire.

Conformément à la solution retenue par la jurisprudence, qui indique que, lorsque le décompte est notifié postérieurement à la saisine du Tribunal administratif, le litige conserve son objet et le Tribunal doit trancher sans que le titulaire ne soit tenu de présenter un mémoire en réclamation (CE, 10/06/2020, n° 425993), la société SOLUDEC n’a pas contesté le décompte ainsi notifié.

La Ville de METZ a soutenu, pour la première fois en appel et non sans une certaine mauvaise foi, que la mise en demeure d’établir le décompte, adressée par le titulaire avant de saisir le Tribunal administratif, était prématurée dans la mesure où le maître d’ouvrage avait décidé de surseoir à l’établissement du décompte, du fait des trop nombreuses réserves dont était assortie la réception. Aucune décision expresse de sursis à l’établissement du décompte n’était pourtant intervenue. La maîtrise d’ouvrage en déduisait que la saisine du Tribunal était également prématurée et que par conséquent, la demande étant irrecevable, le titulaire ne pouvait faire l’économie de contester, par un mémoire en réclamation, le mémoire qui lui avait été transmis en cours de procédure. Comme aucune contestation n’était intervenue, le décompte était devenu définitif et ne pouvait plus être remis en cause.

Contre toute attente, la Cour de NANCY a validé cette interprétation, dans son arrêt du 22 décembre 2020.

La société SOLUDEC a saisi le Conseil d’État qui a censuré cette interprétation, rappelant ainsi que la mise en demeure d’établir le décompte, adressée par le titulaire au maître d’ouvrage, ne peut être regardée comme prématurée que dans les cas suivants :

  • Lorsqu’elle intervient avant l’expiration du délai de 40 jours après la notification du projet de décompte final par le titulaire, stipulé à l’article 13.4.2 du CCAG ;
  • Lorsque la notification du projet de décompte final par le titulaire est elle-même intervenue prématurément, c’est-à-dire avant le prononcé de la réception des travaux.

Dans ces conditions, et contrairement à ce qu’avait retenu la Cour, le nombre de réserves formulées à la réception ne permet pas de regarder comme prématurée la mise en demeure d’établir le décompte, dès lors que la réception est bien intervenue.

Quant à la décision tacite de surseoir à l’établissement du décompte dont se prévalait la ville de METZ, elle ne peut pas davantage être déduite du nombre de réserves à la réception, de sorte que la maîtrise d’ouvrage aurait dû préciser expressément ses intentions si elle entendait se prévaloir de la possibilité, au demeurant ouverte au maître d’ouvrage, de surseoir à l’établissement du décompte.

C’est donc à tort que la Cour a déclaré la demande irrecevable et son arrêt est par conséquent annulé.

Pour lire l’arrêt du Conseil d’État, c’est ici : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000044319228?init=true&page=1&query=&searchField=ALL&tab_selection=cetat

Le 6 décembre 2021

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