Les réseaux nécessaires à l’installation d’une antenne-relais sont-ils des équipements publics exceptionnels ?

L’installation d’antenne relais reste une importante source de contentieux. Parmi les questions qui ne semblent pas définitivement tranchées, celle des équipements susceptibles d’être mis à la charge du bénéficiaire a récemment fait l’objet d’une intéressante décision de la Cour administrative d’appel de DOUAI.

On rappellera d’abord que le premier alinéa de l’article L. 332-8 du Code de l’urbanisme dispose qu’ «une participation spécifique peut être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire qui ont pour objet la réalisation de toute installation à caractère industriel, notamment relative aux communications électroniques, agricole, commercial ou artisanal qui, par sa nature, sa situation ou son importance, nécessite la réalisation d’équipements publics exceptionnels ».

Cette rédaction visant explicitement les installations relatives aux communications électroniques est généralement interprétée par les juridictions comme permettant aux communes de mettre à la charge des opérateurs de téléphonie mobile l’ensemble des frais d’extensions des réseaux nécessaires à leur projet d’antenne-relais qui ne pourraient être mis à leur charge sur le fondement de l’article L 332-15 du code de l’urbanisme.

Par extension, de nombreuses juridictions considèrent qu’une autorisation de construire une antenne-relais ne peut donc être refusée sur le fondement de l’article L 111-11 du code de l’urbanisme qui dispose que « Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l’aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement ou de distribution d’électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d’aménager ne peut être accordé si l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. » (pV. par exemple : TA Lille, 6 nov. 2023, n° 2308416 ; TA Montpellier, 1re ch., 9 nov. 2023, n° 2204830).

Mais c’est peut-être aller un peu vite en besogne.

En effet, l’article L 332-8 du code de l’urbanisme ne crée aucun régime dérogatoire pour les installations relatives aux communications électroniques lesquelles relèvent seulement d’une sous-catégorie des installations à caractère industriel. En conséquence, il appartient bien au maire qui entend mettre à la charge du pétitionnaire les coûts de réalisation des réseaux d’établir en quoi ces équipements peuvent être qualifiés d’équipements publics exceptionnels. Cette qualification s’apprécie notamment eu égard au coût, à la localisation et à l’importance du projet en application des critères fixés par l’article L 332-8 précité (v. par exemple : CAA Marseille, 10 février 2005, n°01MA00358 ; TA Grenoble, 22 sept. 2009, n° 0502163).

Rien ne permet donc d’affirmer qu’automatiquement, toutes les extensions des réseaux nécessaires à la réalisation d’une antenne-relais puissent être qualifiées d’équipements publics exceptionnels au sens de l’article L 332-8 du code de l’urbanisme.

C’est pour ces motifs que la Cour administrative de Douai a récemment jugé s’agissant des réseaux nécessaires à l’installation d’une antenne-relais :

« Il ressort du plan annexé au courrier précité du 23 mai 2019 que les travaux impliqués par le projet consistent en un renforcement du réseau aérien sur 520 mètres, en la réalisation d’une remontée aéro-souterraine puis en une extension de 235 mètres depuis le réseau existant jusqu’à la limite de propriété. Ces travaux sont à réaliser en terrain plat le long d’une voie routière. Si l’installation d’une antenne-relais répond à la mission de service public en matière d’acheminement des communications électroniques confiée notamment à Bouygues Telecom, les sociétés appelantes n’apportent aucun élément justifiant d’une particulière importance du projet en litige. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il n’est pas établi que ce projet nécessite par sa nature, sa situation ou son importance la réalisation d’équipements publics qui puissent être qualifiés d’exceptionnels, au sens des dispositions de l’article L. 332-8 du code de l’urbanisme, dont les dispositions sont claires. Dans ces conditions, l’engagement des sociétés appelantes de financer ces travaux dont au surplus, elles n’ont fait état que lors de leur recours gracieux du 4 décembre 2019, postérieur à l’arrêté en litige, n’est pas de nature à permettre la réalisation du projet. Par ailleurs, l’article L. 332-15 du code de l’urbanisme ne permet une participation financière du pétitionnaire que pour des travaux de raccordement aux réseaux et non pour des travaux d’extension. Il ne saurait donc trouver à s’appliquer au présent litige. Enfin, l’article L. 332-6 du code de l’urbanisme qui énumère de manière strictement limitative les participations que les bénéficiaires d’autorisations de construire peuvent apporter au financement d’équipements publics, prohibe toute autre possibilité de participation par le pétitionnaire. Par suite, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif, par le jugement contesté, a considéré que l’arrêté du 29 octobre 2019 ne méconnaissait pas les dispositions de l’article L. 332-8 du code de l’urbanisme. » (CAA Douai, 19 octobre 2023, n° 22DA00869)

Il reste à attendre une décision du Conseil d’Etat qui permette de préciser l’application de ce texte dans le cadre des antennes de téléphonie mobile.

Elodie Vilchez, Avocate

Le 23 janvier 2024

Partager :

Facebook
Twitter
LinkedIn

Articles Similaires